Venise, vers 1560. Le peintre Tintoret a de quoi être fier de lui. Fils de simple teinturier, il s’est élevé dans la société pour devenir l’un des peintres les plus appréciés de la ville. Mais un autre artiste chamboule tout. Véronèse, revenu d’un séjour dans une autre cité, pourrait bien lui faire de l’ombre...

À droite : Paolo Caliari, dit Véronèse, Autoportrait, vers 1558-1563, huile sur toile, 63 x 51 cm, Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
Quand la confrérie de Saint-Roch organise un concours pour le décor d’un des plafonds de leur siège, Tintoret se met sur les rangs. Quatre autres peintres participent aussi, dont le fameux Véronèse. L’ambitieux Tintoret n’a pas l’intention de se laisser faire !

Chacun des quatre artistes doit proposer une esquisse du projet pour convaincre la confrérie de le choisir. Le sujet est imposé, il s’agit de saint Roch en pleine gloire. Rien d’impressionnant pour Tintoret : il a l’habitude des concours qui sont monnaie courante à Venise pour départager les nombreux artistes. C’est même grâce à ces concours qu’il s’est fait connaître dans sa jeunesse.
En mai 1564, c'est le grand jour. Les artistes présentent leurs dessins... sauf Tintoret ! Aurait-il abandonné ? En réalité, le peintre n’a pas attendu les résultats : il a déjà installé sa toile achevée sur le plafond ! Ses rivaux ont beau protester, rien n’y fait.

À droite : Jacopo Robusti, dit Le Tintoret, Saint Roch en Gloire, 1564, huile sur toile, 240 x 360 cm, Scuola Grande de San Rocco, Venise
La confrérie, séduite par le style raffiné dit "maniériste" du peintre, est bien obligée de le proclamer vainqueur. Elle lui commande même la décoration du reste de l’édifice. Pendant vingt-cinq ans, Tintoret travaille à ces grands décors qui le rendront mondialement célèbre. Cela valait bien la peine de donner un coup de pouce au destin !