En 1983, dans un parc des Yvelines, l’artiste Daniel Spoerri organise un grand banquet. Il convie une centaine de personnalités du monde de l’art contemporain pour un déjeuner pas comme les autres… Il s’agit d’une performance, une œuvre d’art en elle-même !

Ce n’est pas la première fois que Spoerri joue avec la nourriture. Inscrit dans le courant du Nouveau Réalisme, cela fait des années qu’il réalise des œuvres appelées "tableaux pièges" : il fixe et colle soigneusement les restes d’un repas sur un support qu'il accroche ensuite au mur, à la verticale, comme un tableau. Mais il est arrivé au bout de ce procédé. Lassé, Spoerri décide de mettre fin à sa démarche, en l’enterrant littéralement...

En effet, en plein milieu du repas dans le parc, les convives abandonnent leurs assiettes. La table du banquet, la nappe, les couverts et les plats entamés, sont déposés dans une tranchée de plusieurs dizaines de mètres de long. Puis tout est enseveli sous la terre à la pelleteuse… La performance est baptisée Le Déjeuner sous l’herbe, un hommage absurde au célèbre tableau d'Édouard Manet Le Déjeuner sur l’herbe.

En 2010, des archéologues se penchent à nouveau sur ce banquet et entament la toute première fouille archéologique de l’art contemporain ! Avec l’accord enthousiaste de Spoerri, ils travaillent d’arrache-pied pour retrouver les restes de la performance.
Minutieusement, ils exhument quelques rares vestiges : gobelets en plastique, couverts en métal et bouteilles de verre sont restés intacts ou presque. En revanche, les objets biodégradables ont été réduits en poussière par la nature… Certains ont considéré cette fouille comme une vaste blague. Cependant, elle a permis d’en apprendre beaucoup sur la vitesse de dégradation des matériaux, et sur la durée de vie de certaines œuvres d’art contemporain.