Suzy Solidor, artiste et muse des Années folles

Dans les Années folles, la chanteuse Suzy Solidor règne sur les nuits parisiennes en icône libre et audacieuse, attirant les regards... et les pinceaux. Notamment ceux de Tamara de Lempicka, peintre star au style inimitable. Ensemble, elles vont créer bien plus qu’un portrait : une œuvre manifeste d’émancipation.

Années 1930, Paris. Suzy Solidor est au sommet de sa gloire. Chanteuse, actrice, écrivaine, elle touche à tout, sans avoir froid aux yeux. Elle va jusqu'à revendiquer son homosexualité dans ses musiques. Et en cette année 1933, la jeune femme se lance dans une nouvelle affaire : elle vient d'ouvrir un cabaret !

Suzy Solidor, vers 1929, photographie, Bibliothèque nationale de France, Paris

Pour décorer le lieu, Solidor a une idée originale. Elle décide d'y présenter ses portraits… qui sont très nombreux. Des centaines d'artistes ont été fascinés par sa personnalité, et ont immortalisé ses traits en peinture comme en photographie. Pourtant, il lui manque l'œuvre d’une artiste incontournable. En effet, la chanteuse n'a jamais été peinte par la plus célèbre portraitiste du moment, Tamara de Lempicka. Celle-ci est collectionnée par la bonne société, jusqu'à Hollywood.

Yves Brayer, Portrait de Suzy Solidor, 1935, huile sur toile, Château-musée Grimaldi, Ville de Cagnes-sur-Mer © ADAGP, Paris, 2025

On s'arrache ses tableaux au style très particulier : les corps y sont cylindriques, les fonds remplis de bâtiments cubiques… "Je veux qu'on remarque une de mes œuvres au premier coup d'œil", explique l’artiste. Contactée, Lempicka veut bien faire le portrait de Suzy Solidor, à une seule condition : que la chanteuse pose nue… Cette dernière accepte. Pendant les mois qui suivent, les deux femmes ne se quittent donc plus, et entament même une liaison.

Tamara de Lempicka, Les jeunes filles, vers 1930, huile sur bois, 35 x 26,6 cm, collection privée © ADAGP, Paris, 2025

Pour rendre hommage au caractère affirmé de sa compagne, Lempicka rompt avec ses habitudes. Son modèle n'est pas comme ses autres nus, alanguis et passifs. Sur son tableau, la chanteuse est une femme moderne, aux cheveux courts. Volontaire, elle regarde le spectateur droit dans les yeux. Solidor aime tellement ce portrait qu'il devient son préféré. Des décennies plus tard, même oubliée et tombée dans la pauvreté, elle continue à le conserver précieusement… comme un symbole de sa liberté et de sa gloire passée !

Tamara de Lempicka, Portrait de Suzy Solidor, 1935, huile sur bois, Château-musée Grimaldi, Ville de Cagnes-sur-Mer © Tamara de Lempicka Estate, LLC / ADAGP, Paris, 2025 / photo : François Fernandez

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