Années 1930, Paris. Suzy Solidor est au sommet de sa gloire. Chanteuse, actrice, écrivaine, elle touche à tout, sans avoir froid aux yeux. Elle va jusqu'à revendiquer son homosexualité dans ses musiques. Et en cette année 1933, la jeune femme se lance dans une nouvelle affaire : elle vient d'ouvrir un cabaret !

Pour décorer le lieu, Solidor a une idée originale. Elle décide d'y présenter ses portraits… qui sont très nombreux. Des centaines d'artistes ont été fascinés par sa personnalité, et ont immortalisé ses traits en peinture comme en photographie. Pourtant, il lui manque l'œuvre d’une artiste incontournable. En effet, la chanteuse n'a jamais été peinte par la plus célèbre portraitiste du moment, Tamara de Lempicka. Celle-ci est collectionnée par la bonne société, jusqu'à Hollywood.

On s'arrache ses tableaux au style très particulier : les corps y sont cylindriques, les fonds remplis de bâtiments cubiques… "Je veux qu'on remarque une de mes œuvres au premier coup d'œil", explique l’artiste. Contactée, Lempicka veut bien faire le portrait de Suzy Solidor, à une seule condition : que la chanteuse pose nue… Cette dernière accepte. Pendant les mois qui suivent, les deux femmes ne se quittent donc plus, et entament même une liaison.

Pour rendre hommage au caractère affirmé de sa compagne, Lempicka rompt avec ses habitudes. Son modèle n'est pas comme ses autres nus, alanguis et passifs. Sur son tableau, la chanteuse est une femme moderne, aux cheveux courts. Volontaire, elle regarde le spectateur droit dans les yeux. Solidor aime tellement ce portrait qu'il devient son préféré. Des décennies plus tard, même oubliée et tombée dans la pauvreté, elle continue à le conserver précieusement… comme un symbole de sa liberté et de sa gloire passée !
