Les Rita Mitsouko ou l’art du tragi-comique

Si les chansons de ce groupe français sont en apparence joyeuses, elles évoquent en fait une sombre réalité...

"Un p'tit train s'en va dans la campagne. Va et vient, poursuit son chemin…" Sur ces paroles légères et un air entraînant commence un des grands succès du groupe Rita Mitsouko. Le morceau continue gaiement, décrivant des paysannes joviales au soleil couchant. Jusqu’à ce que, sans prévenir, le chant prenne une tournure plus sombre…

Écouter les Rita Mitsouko interpréter Le petit train, 1988 (vidéo)

"Train de la mort, mais que fais-tu ?", interroge la chanteuse. Eh oui, le "p’tit train" désigne en réalité un convoi de déportés pendant la Seconde Guerre mondiale. Si on ne prête pas l’oreille aux paroles, cependant, on peut tout à fait passer à côté de cette information. En effet, l’air et les premiers mots sont repris d’une chanson désinvolte des années 1950. Mais Catherine Ringer et Fred Chichin y impriment leur patte provocatrice.

Wolfgang Vennemann, Déportation de Juifs, gare d'Arenc, Marseille, 1943, photographie, Archives fédérales d'Allemagne, Coblence

Tout en contrastes, le texte est glaçant. Après avoir planté le décor d’un paysage bucolique, l’interprète Catherine Ringer dépeint l’horreur : des rames qui conduisent enfants et grands-parents "aux flammes". Et comme si de rien n’était, la mélodie, elle, reste toujours aussi enjouée, avec son tempo sautillant et ses sonorités synthétiques.

Ce ton tragi-comique est un peu la marque de fabrique des Rita Mitsouko. Le groupe est devenu célèbre pour son tube Marcia Baïla, qui chante le sourire et la beauté de l’ancienne professeure de danse de Catherine Ringer, morte d’un cancer à un jeune âge.

Pochette du single Marcia Baïla des Rita Mitsouko, 1984. Photo : DR

Ce décalage déconcertant serait-il une façon de mettre à distance un passé douloureux ? En tout cas, les faits décrits dans Le petit train touchent les artistes de près puisque Sam Ringer, le père de la chanteuse, a justement été déporté.

Mais la chanson ne se cantonne pas au passé, puisqu’elle nous pose la question suivante, qui sonne comme une mise en garde : "Reverra-t-on une autre fois passer des trains comme celui-là ?"

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