Vers 1940, aux États-Unis. Enfant de divorcés, le jeune Steve Reich est ballotté entre les maisons de son père et de sa mère. Sauf que ses parents habitent aux deux extrémités d’un très grand pays ! Il doit donc faire de longs voyages en train entre New York et Los Angeles, qui l’amusent beaucoup.
Paradoxalement, cinquante ans plus tard, il utilise ce souvenir pour évoquer un sujet bien plus tragique… Steve Reich est entre-temps devenu un musicien accompli. Il est un pionnier de ce qu’on appelle la musique minimaliste, qui fait la part belle à la répétition de courts motifs musicaux - comme l’illustre son chef-d’œuvre Drumming, en 1971.

Ces mêmes ingrédients, on les retrouve près de vingt ans plus tard dans son œuvre Different Trains, pour quatuor à cordes et bande magnétique, qui nous plonge dans l’ambiance de ses voyages d’enfant. En plus des bruits répétés de vieux trains, on y entend des voix qui évoquent des souvenirs : celle de sa gouvernante qui l’accompagnait sur ces trajets ou d’un ancien employé des wagons-lits sur la ligne New York-Los Angeles.
Puis les voix changent soudainement, et le morceau prend une tournure plus sinistre. Les témoignages heureux sont remplacés par ceux de trois survivants de la Shoah, qui racontent leurs douloureux souvenirs, et des sirènes angoissantes retentissent.

Le titre de l’œuvre prend alors tout son sens : ces "trains différents" sont ceux qui ont transporté de nombreux juifs vers les camps de la mort. Une analogie qui touche le compositeur, lui-même de confession juive. Car s’il avait été en Europe à cette même période, les souvenirs joyeux du petit Steve Reich auraient été bien différents…