Ely Sakhai et les faux Gauguin, ou l’escroc qui vend des œuvres en double

Les ventes simultanées de deux tableaux de Gauguin identiques sèment le doute chez les marchands d’art… sont-ils authentiques ?

Paul Gauguin, Vase de fleurs (lilas), 1885, huile sur toile, 34 x 27 cm, Musée Thyssen-Bornemisza, Madrid

Mai 2000. À New York, la maison de ventes aux enchères Sotheby’s propose une œuvre du peintre Paul Gauguin, Vase de fleurs (lilas). Au même moment, à Tokyo, sa grande concurrente Christie’s met en vente... la même œuvre ! Oui, mais laquelle de ces deux toiles est l'originale ?

Après expertise, la vérité éclate : le tableau de Christie’s est un faux. Très bien exécuté, certes, mais un faux quand même ! Il est immédiatement retiré de la vente. Quant à celui de Sotheby's, il atteint quelques centaines de milliers de dollars aux enchères. Une bonne nouvelle pour son ancien propriétaire, un collectionneur et galeriste de Manhattan du nom d'Ely Sakhai.

Mais pendant ce temps-là, le FBI mène l'enquête, et finit par remonter la trace du faux Gauguin… jusqu'à ce même Ely Sakhai ! Sa méthode est alors révélée au grand jour : Sakhai achète régulièrement des œuvres originales, accompagnées des papiers attestant de leur authenticité. Il fait ensuite appel à des copistes chevronnés pour en faire leur réplique exacte : ces derniers reproduisent même les inscriptions et éventuelles marques qui figurent au dos des toiles.

Copiste reproduisant La Leçon de danse d'Edgar Degas à la National Gallery of Art à Washington D.C. Photo : Pxhere

Enfin, il vend les copies par le biais de sa galerie de Manhattan… avec les certificats d’authenticité, bien sûr ! Et de préférence à des clients asiatiques qui, depuis l'autre bout de la planète, ne risquent pas de s'apercevoir qu'il vend ensuite l'original sur le marché américain.

À gauche : Marc Chagall, Les Lys magiques ou Bouquet aux amoureux, vers 1948, huile sur toile, 71 x 50 cm, collection privée © ADAGP, Paris 2025
À droite : Auguste Renoir, La petite fille à l'arrosoir, 1876, huile sur toile, 100 x 73 cm, National Gallery of Art, Washington D.C.

Il aurait ainsi vendu de faux Chagall, Renoir ou Gauguin pour des millions de dollars. Et cet habile subterfuge aurait pu continuer longtemps… si l'original et la copie ne s'étaient pas retrouvés sur le marché de l'art au même moment !

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