Jean Painlevé : comment un biologiste a inventé le documentaire scientifique dans sa baignoire

Ce pionnier du cinéma scientifique français a été le premier à passer sous l'œil de la caméra des pieuvres, araignées de mer et autres hippocampes...

Jean Painlevé : biologiste ou artiste ?

Début des années 1920. Fraîchement revenu d’un séjour en Bretagne, le jeune Jean Painlevé se dirige vers la baignoire de son appartement. Mais au lieu d'y prendre son bain, il y déverse des petites bêtes glanées dans l’océan ! L’ancien étudiant en biologie a un projet plutôt inhabituel : il a rapporté ces animaux marins chez lui pour les filmer

Or à l’époque, le genre du documentaire scientifique n’existe pas. Cela ne gêne pas Painlevé qui met en scène des pieuvres, des oursins ou des crustacés dans des courts-métrages teintés d’humour et de poésie.

Si les scientifiques le critiquent, les artistes surréalistes - dont il est proche - applaudissent sa démarche. De Caprelles et Pantopodes, Fernand Léger dit même que c’est le ballet le plus beau qu'il ait jamais vu !

Jean Painlevé, Araignée et Profil, 1930, photographie procédé gélatino-argentique. Photo : Archives Jean Painlevé 2025, DR

Mais le cinéaste et biologiste ne se contente pas d’observer les animaux marins dans sa baignoire. Grâce aux progrès techniques, il peut aller à leur rencontre dans leur milieu naturel !

À l’aide du premier scaphandre autonome (c’est-à-dire doté d’une réserve d’air, plutôt que relié à la surface par un tuyau), Painlevé s’initie à la plongée sous-marine. Bien sûr, il ne tarde pas à fabriquer un caisson étanche pour y glisser sa caméra.

Jean Painlevé avec sa caméra dans le caisson hermétique pour la couverture du magazine Voilà, 17 août 1935. Photo : Archives Jean Painlevé 2025, DR

Un cinéaste complet

Acquérant progressivement davantage de matériel scientifique et cinématographique, Painlevé tourne film après film. Sans équipe à proprement parler, le réalisateur fait tous les métiers : il écrit, s’occupe du montage, choisit la musique…

Jean Painlevé, L’Hippocampe, 1933. Cliquez pour découvrir un extrait

Grâce à ses travaux, le grand public assiste, ébahi, à la naissance d’une méduse ou à l’accouchement d’un hippocampe. Détenteur de sa propre société de production, Painlevé finance lui-même ses projets en donnant de nombreuses conférences, en France et à l’étranger.

Cet acharné laisse environ 200 réalisations derrière lui, posant ainsi les bases du documentaire scientifique. Un joli bilan, pour un cinéaste qui a commencé ses tournages dans sa salle de bain !

Jean Painlevé, Acéra ou le bal des sorcières, 1972. Cliquez pour découvrir un extrait

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