Juste à temps... Quand une jeune artiste manque de louper la Biennale de Venise

Il s'en est fallu de peu pour que la Cubaine Belkis Ayón ne puisse exposer ses œuvres si particulières à la célèbre manifestation artistique de 1993. De très peu, même !

Cuba, début des années 1990. Belkis Ayón, la vingtaine, ne tient pas en place. La jeune artiste a été invitée à présenter son travail à la Biennale de Venise, une exposition internationale très prestigieuse. Hélas, Cuba est alors plongé dans une grave crise économique. Avec les pénuries d’essence, impossible de conduire Ayón à l’aéroport…

Qu’à cela ne tienne ! La jeune femme enfourche son vélo, suivie par son beau-frère qui transporte ses bagages et, enfin, par son père avec les œuvres qu’elle veut emporter en Italie. Ce sont des "collagraphies", réalisées en collant différents matériaux (du papier de verre aux épluchures de légumes !) sur une plaque en carton, puis en les colorant à l’encre. Le tout est ensuite pressé sur une feuille de papier.

Belkis Ayón dans son atelier, vers 1986, photo : DR © ADAGP, Paris, 2025

Avec cette technique à mi-chemin entre le collage et la gravure, Ayón joue avec les textures et obtient des détails fascinants, même en noir et blanc. Se dégagent ainsi plusieurs personnages inquiétants, aux grands yeux et sans bouche, qui font référence à des croyances locales. Mais l’artiste s’y représente aussi souvent, sous les traits d’une princesse mythique.

Belkis Ayón, Sikán con chivo (Sikán avec une chèvre), 1993, collagraphie, Succession Belkis Ayón © ADAGP, Paris, 2025 // Belkis Ayón, Mokongo, 1991, collagraphie, 202 x 138 cm, Succession Belkis Ayón © ADAGP, Paris, 2025

Solidement fixées au vélo de son papa, les collagraphies en question sont en route vers l’aéroport de La Havane, à une trentaine de kilomètres. Malheureusement, si Belkis et ses bagages arrivent à temps, le paternel, lui, n’est pas assez rapide. L’avion décolle avec Ayón… mais sans ses œuvres.

En apprenant cela, une amie de l’artiste parvient à trouver une Italienne en voyage à Cuba, à qui elle confie les collagraphies. Ces dernières atterrissent donc deux jours plus tard à Milan avant de rejoindre Venise... juste quelques heures avant l’ouverture de la Biennale. Ouf, Belkis Ayón a eu chaud !

Belkis Ayón à la Havana Galerie, Zurich, 1999, photo © Werner Gadliger © ADAGP, Paris, 2025

Pour rester à Venise, mais remonter au temps de Véronèse, du Tintoret et du Titien, c'est par ici !

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