1966, Cambridge, États-Unis. L’informaticien Joseph Weizenbaum n’en revient pas. Il vient d’être mis à la porte de son propre bureau ! Sa secrétaire refuse en effet qu’il assiste à la discussion très personnelle qu’elle mène avec son "psychothérapeute".
Pourtant, aucun bruit de voix ne filtre du bureau. Seul le cliquetis d’une machine à écrire se fait entendre...

Eh oui, car en réalité la jeune femme ne discute pas avec une personne, mais avec… un programme informatique.
Censée imiter une conversation avec un psychothérapeute, ELIZA est le tout premier programme capable de découper une phrase, d’en analyser les mots et d’y répondre, le tout de manière automatique. Le tout premier chatbot (agent conversationnel) de l’Histoire, en somme.

Mais l’informatique n’en est qu’à ses balbutiements, alors pour parvenir à mimer une conversation réaliste, Joseph Weizenbaum a dû trouver une parade.
À la façon d’un psychothérapeute, ELIZA transforme une affirmation en question. Par exemple, si on lui écrit "Tu es méchante", il peut répondre par "Pourquoi penses-tu que je suis méchante ?". Et lorsqu’elle ne trouve aucune réponse, elle écrit simplement "Je comprends…".

Résultat, les discussions sont parfois étranges, voire surréalistes, surtout pour un lecteur moderne…
Pourtant, à l’époque, l’intelligence artificielle convainc ses interlocuteurs. En fait, une partie d’entre eux lui prêtent même de réelles capacités d’empathie et d’analyse.

Bien qu’ils aient parfaitement conscience de s’adresser à un programme, ils pensent qu’ELIZA se soucie réellement d’eux ! Cette faculté à attribuer des caractères humains aux machines porte d’ailleurs aujourd’hui le nom "d’effet ELIZA".

La science-fiction s'est emparée du sujet, avec par exemple les films Her et Ex Machina, ou encore la série Black Mirror, où ce sont carrément des sentiments amoureux qui se développent !
Près de 60 ans plus tard, à l'heure où des ingénieurs clament que leur IA (intelligence artificielle) est devenue consciente, l'effet ELIZA est plus que jamais présent dans nos vies. Avec l'arrivée de ChatGPT, des scènes similaires se rejouent presque à l'identique, quand de plus en plus de personnes l'utilisent en guise de psychologue, avec des conséquences parfois graves.