ELIZA, le premier chatbot qui a trompé les humains... dès les années 60

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Une secrétaire qui se confie à une machine sur ses états d’âme... Ce n’est pas un film, mais une conséquence de la sortie du premier chatbot de l'histoire. Le programme ELIZA avait déjà réussi à convaincre des humains de son écoute, au point de donner son nom à "l’effet ELIZA".

1966, Cambridge, États-Unis. L’informaticien Joseph Weizenbaum n’en revient pas. Il vient d’être mis à la porte de son propre bureau ! Sa secrétaire refuse en effet qu’il assiste à la discussion très personnelle qu’elle mène avec son "psychothérapeute".

Pourtant, aucun bruit de voix ne filtre du bureau. Seul le cliquetis d’une machine à écrire se fait entendre...

Illustratio : Aurora Muggianu pour Artips

Eh oui, car en réalité la jeune femme ne discute pas avec une personne, mais avec… un programme informatique.

Censée imiter une conversation avec un psychothérapeute, ELIZA est le tout premier programme capable de découper une phrase, d’en analyser les mots et d’y répondre, le tout de manière automatique. Le tout premier chatbot (agent conversationnel) de l’Histoire, en somme.

Exemple d'une conversation (en anglais) avec ELIZA. Photo : Ysangkok

Mais l’informatique n’en est qu’à ses balbutiements, alors pour parvenir à mimer une conversation réaliste, Joseph Weizenbaum a dû trouver une parade.

À la façon d’un psychothérapeute, ELIZA transforme une affirmation en question. Par exemple, si on lui écrit "Tu es méchante", il peut répondre par "Pourquoi penses-tu que je suis méchante ?". Et lorsqu’elle ne trouve aucune réponse, elle écrit simplement "Je comprends…".

Joseph Weizenbaum, 1955, photo : ilmarefilm

Résultat, les discussions sont parfois étranges, voire surréalistes, surtout pour un lecteur moderne…

Pourtant, à l’époque, l’intelligence artificielle convainc ses interlocuteurs. En fait, une partie d’entre eux lui prêtent même de réelles capacités d’empathie et d’analyse.

Joseph Weizenbaum montrant le programme ELIZA, vers 1965, photo : ilmarefilm

Bien qu’ils aient parfaitement conscience de s’adresser à un programme, ils pensent qu’ELIZA se soucie réellement d’eux ! Cette faculté à attribuer des caractères humains aux machines porte d’ailleurs aujourd’hui le nom "d’effet ELIZA".

Illustration de l'effet ELIZA dans cet extrait du film Her, réalisé par Spike Jonze en 2013

La science-fiction s'est emparée du sujet, avec par exemple les films Her et Ex Machina, ou encore la série Black Mirror, où ce sont carrément des sentiments amoureux qui se développent !

Près de 60 ans plus tard, à l'heure où des ingénieurs clament que leur IA (intelligence artificielle) est devenue consciente, l'effet ELIZA est plus que jamais présent dans nos vies. Avec l'arrivée de ChatGPT, des scènes similaires se rejouent presque à l'identique, quand de plus en plus de personnes l'utilisent en guise de psychologue, avec des conséquences parfois graves.

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