23 hommes en colère, ou la création du droit d'auteur à l'époque de Beaumarchais

Au 18e siècle, un groupe d'auteurs dirigé par l'auteur du "Mariage de Figaro" s'unit pour obtenir une nouvelle législation...

Paris, 3 juillet 1777. Ce soir, dans son appartement du Marais, Beaumarchais reçoit. Et on peut dire qu’il a du succès : 22 personnes ont répondu à son invitation ! Ses talents de cuisinier vaudraient-ils ceux de sa plume ?

À vrai dire, faire bonne chèren’est pas la principale motivation de ce petit groupe… Ces 23 hommes sont tous auteurs de théâtre, et ils sont en colère. Ras-le-bol d’être payés au lance-pierre par des comédiens qui inventent sans cesse de nouvelles astuces pour ne pas partager les recettes de leurs pièces.

Jean-Marc Nattier, Portrait de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, 1755, huile sur toile, 82 x 64 cm, Collection privée,

Pour sa part, Beaumarchais n’a pas de problème d’argent : il possède une fortune personnelle, héritée de sa femme, et pourrait ne jamais travailler. D’ailleurs, il a offert le texte de ses deux premières pièces à la troupe de la Comédie-Française !

Mais il n’aime pas l’injustice. Les auteurs se font duper, il le sait, si bien que vivre de sa plume est quasiment impossible… Alors en cet été 1777, il prend la tête d’un groupe qui va tenter de faire bouger les lignes : le Bureau de législation dramatique. Ce nom ne doit rien au hasard. Le terme "législation" annonce le programme : nos auteurs veulent faire inscrire leurs droits dans la loi.

Gabriel de Saint-Aubin, Portrait de M. Sedaine, 1749, dessin, 21 x 24 cm, collection privée. Michel-Jean Sedaine était l'un des signataires de la première déclaration du Bureau de législation dramatique

Cela va prendre presque 15 ans, mais la victoire est belle : en janvier 1791, l’Assemblée constituante (l'ancêtre de notre Assemblée nationale) reconnaît officiellement le droit d’auteur. Une première mondiale ! Les députés affirment notamment qu’un écrivain est propriétaire du fruit de sa pensée. Autrement dit, ce qu’il écrit est à lui, et ceux qui souhaitent s’en servir, par exemple au théâtre, doivent le rémunérer. Rebaptisé SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques), le bureau de Beaumarchais devient ainsi la première société de gestion collective de droits d’auteurs.

Et près de 250 ans après sa naissance, elle reste à la page. C’est elle qui s’assure que les auteurs de domaines plus récents comme le cinéma, l’audiovisuel ou le web sont rémunérés. Elle gère même les droits de youtubeurs !

Siège de la SACD, 11 bis rue Ballu dans le 9e arrondissement de Paris, photo : Mu

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